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Djé Tsongkhapa Losang Drakpa




La Progression Vers l'Eveil
Décision abrégée des essentiels
de l'entière parole du Vainqueur


de

Tsongkhapa Losang Drakpa



Une traduction de
Georges Driessens
sous la direction de
Guéshé Lobsang Thupten
Jeune fils de brahmanes, Tsongkhapa offrit un chapelet de cristal de cent un grains au Bouddha Shakyamuni et développa l'aspiration à l'Eveil suprême. Le Bouddha prophétisa alors qu'en l'âge de dégénérescence cet enfant se rendrait au Tibet, le pays des neiges, où il œuvrerait en grand pour l'enseignement et les êtres :
                                "Ananda, cet enfant qui à présent
                                M'a offert ce chapelet
                                Nourrira mon enseignement.
                                Dans le futur, au cours de l'âge de dégénérescence,
                                A la frontière entre Dri(kung) et Den
                                Il apparaîtra sous le nom de Losang
                                Et bâtira le monastère "Vertu".
                                Il rassemblera un vaste entourage (de disciples)
                                Et établira la continuité des dix pratiques.
                                Au temple de Kawa Shinglocen
                                A mes deux images
                                Il offrira un diadème et les vénèrera.
                                Ma parole il proclamera telle que les soutras l'enseignent,
                                De mélodieuses supplications il m'adressera.
                                Lorsqu'il m'aura prié
                                Son enseignement mille ans perdurera.
                                Ensuite, parti au septentrion,
                                Dans le monde Edifice admirable (Adbhutavyuha)
                                Il sera Rugissement de lion (Simhanada)."

                Il eut foi et naquit dans ce champ pur, d'une noblesse suprême. En accord avec cette prophétie, en 1357 - année feu oiseau – dans le pays de Tsongkha, région d'Amdo, au nord du Tibet, de Lubumgé, son père, et Shingmo Achö, sa mère, naquit le Seigneur Tsongkhapa au sein d'une abondance de signes merveilleux. Du sang qui toucha la terre quand fut tranché le cordon ombilical jaillit naturellement un santal blanc dont les feuilles marquées de l'image de l'éveillé Rugissement de lion et des lettres A RA PA ÇA NA (du mantra de Manjushri) furent bientôt cent mille. L'arbre est célèbre en tant que le Santal aux cent mille images.

                Quand il eut trois ans, Karmapa Rolpai Dorjé lui conféra les voeux complets de fidèle laïc et le nomma Kunga Nyingpo. Cette année-là, le seigneur de la doctrine Töndrup Rinchen entreprit son éducation. Avant qu'il ne devienne un renonçant, son maître l'initia notamment à Vajrabhairava, avec le nom secret Tönyö Dorjé. A sept ans, Töndrup Rinchen agissant comme abbé et Zhönnu Jangchub comme précepteur, il devint un renonçant et pris les vœux de l'ordination mineure. Il fut désormais appelé Losang Drakpa Pal.

                A dix-sept ans, il se rendit dans le Tibet central, puis à Namgyal Ling, Yarlung. L'abbé de Tsokpa Jedzing, Shérab Gönpo, grand détenteur de la discipline, agissant en qualité de maître de cérémonie, Sönam Dorjé, le chef de chœur, de maître secret, et en présence d'une assemblée de vingt religieux impeccables, une communauté de foi, il prit les vœux de l'ordination majeure. Le Seigneur et Maître protégea les trois sortes de vœux : de libération individuelle, des héros pour l'éveil et du mantra, comme la prunelle de ses yeux.
Dans la région centrale il approcha et pratiqua de nombreux amis spirituels, parmi lesquels le Vénérable Seigneur Rendawa. (En ces temps, au Tibet, la transmission de la totalité des profondes instructions des soutras et tantras s'effectuait librement, à la manière dont un vase se remplit à ras bord). En particulier, le Vénérable Seigneur Manjugosha se manifesta à lui en personne et devint son mentor. Comment il entendit pui réfléchit à l'ensemble de la parole du Vainqueur et ses commentaires par les six ornements et les deux suprêmes de l'Inde (1), cela il le relate dans son Accomplissement de mes aspirations. Et comment naquit en lui la réalisation expérientielle au terme d'une pratique conforme à l'écoute et à la réflexion, son Chant d'expérience, sommaire de la voie progressive nous l'apprend.

                Quatre grands actes du Seigneur sont célèbres : I) à trente-six ans, la restauration de la statue de Maitreya à Olka Dzingchi ; II) à trente-neuf ans, le cycle d'enseignement consacré à la discipline, à Nyelgi Lungra Chenmo ; III) à cinquante-deux ans, l'instauration du festival de la Grande Prière, commémorant les prodiges du Bouddha ; IV) à cinquante-neuf ans, l'édification de chapelles pour les déités tantriques majeures, à Ganden. Par ailleurs, ses hauts faits se résument en sept catégories : I) l'exposition, II) la disputation, III) la composition, IV) l'érudition, V) la discipline, VI) la bonté, VII) l'accomplissement.

                I) Comment il acquit les qualités d'enseignant : ayant réuni quinze volumes des écrits indiens fondamentaux, il partageait la journée en quinze périodes, de l'aube au crépuscule, pour les expliquer. Deux volumes de moindre ampleur furent d'abord couverts, suivis de deux autres. En trois mois, il accomplit l'exposé approfondi des dix-sept traités de première importance : le Commentaire au "Compendium sur la connaissance valide" (de Dignaga) par Dharmakirti ; la Perfection de sagesse, c'est-à-dire l'Ornement pour une claire réalisation, l'une des cinq oeuvres de Maitreya ; les Phénoménologies d'Asanga et Vasubandhu ; le Soutra sur la discipline, de Gunaprabha ; les quatres œuvres suivantes de Maitreya : l'Ornement des soutras du grand véhicule, la Distinction entre les phénomènes et la nature des phénomènes, l'Ultime Continuum, la Distinction entre le milieu et les extrêmes ; les cinq traités dialectiques de Nagarjuna : le Traité du milieu, la Réfutation des objections, Soixante-dix Stances sur la vacuité, Soixante Stances de raisonnement, la Fine Texture ; l' Entrée au milieu, de Chandrakirti ; les Quatre Cents Stances, d'Aryadeva ; Vivre en héros pour l'éveil, de Shantideva. De plus, en d'autres périodes il enseigna à partir de dix, vingt et un et vingt-neuf ouvrages. En Inde même, on n'avait jamais connu manière d'instruire plus merveilleuse.

                II) Comment le Seigneur acquit les qualités d'un débatteur : exceptionnelle était la science de la disputation chez Tsongkhapa, ainsi que vint à le comprendre Darma Rinchen, qui n'avait pas encore rencontré d'égal en la matière. Avec l'idée d'en découdre, il se rendit là où le Maître enseignait. Sans prendre la peine de se découvrir, il s'assit à son côté, tandis que Tsongkhapa poursuivait son discours. Il lui prêtait une oreille distraite jusqu'à ce que son attention s'éveillât à l'excellence des propos et que la montagne de son orgueil commençât de s'effondrer. Sa coiffe glissa de sa tête, il descendit du trône et prit place parmi l'assemblée. Une foi intense naquit en lui, il se prosterna, portant les pieds du Maître à sa tête, et demanda à devenir son disciple. Le Vénérable Seigneur acquiesça et, dès ce moment, Gyaltsap Darma Rinchen se fit son serviteur et le suivit telle l'ombre suit le corps. Il ravit le Seigneur et fut bientôt le premier de ses élèves, une position qu'il conserva jusqu'à la mort de celui-ci. Qu'il montât sur le trône occupé par Tsongkhapa était une indication qu'il lui succéderait comme abbé du monastère.
                III) Comment il acquit les qualités d'un auteur : après le passage dans la paix du Précieux Maître, quand Khedrup Rinpoché reçut sa vision, celle-ci lui déclara : "Si tu veux te souvenir de moi, remets-t-en en priorité à mes oeuvres sur le mantra, la philosophie et à mes deux manuels sur la voie progressive. Ils forment mon testament". Ces paroles sont une instruction cruciale à les étudier, les contempler et les méditer avec authenticité. Que Tsongkhapa revienne, il n'enseignerait pas plus que ce que contiennent ces écrits. Si Mijé Sangyé Gyatso a établi une édition en dix-huit volumes de ses œuvres, il est dit que nombreuses sont celles qui n'ont pas été imprimées.
                En 1402 – année eau cheval -, au pied du rocher de Radreng, Sengé Drawa (Pareil-au-lion) Atisha, Dromtönpa, Potowa et Sharawa se manifestèrent à lui un mois durant, au terme duquel les trois derniers se dissolvèrent en Atisha. Atisha posa sa main sur la tête de Tsongkhapa : "Agis pour le bien de l'enseignement, je serai à tes côtés", assura-t-il. En accord avec cette incitation, il écrivit le Grand Livre de la progression vers l'éveil jusqu'à la section sur le calme et, plus tard, à la demande de Manjushri, celle consacrée à la vision pénétrante. Ainsi, à Radreng il rassembla en un volume la totalité des quatre-vingt-quatre mille thèmes exposés par le Bouddha. Par la suite, avec la pensée que les personnes aux capacités moindres pénétreraient avec difficulté la complexité du Grand Livre, en 1415 – année bois mouton -, conformément à l'exhortation de Manjushri il en composa le résumé : le Livre Moyen (dit aussi Petit) de la progression vers l'éveil, à Riwo Geden.
                Sans erreur, complète, homogène dans sa présentation, non entachée par les fabrications personnelles, cette essence des étapes de la voie est au diapason de la pensée de Manjushri, le Seigneur Tsongkhapa y détermine le sens de la parole du Bouddha, Maître de l'enseignement, des traités indiens et tibétains qui la commentent, au moyen des sources authentiques et des raisonnements immaculés qui en sont les assises solides. Il précise avec compassion et de façon aisément compréhensible pour nous, élèves de ce temps, les méthodes pour pratiquer les étapes de la voie des soutras et tantras. Grand serait le dommage d'être privé de ces précieuses instructions faciles à étudier et à mettre en oeuvre, bienfaisantes pour l'esprit, grâce auxquelles cette existence humaine d'une extrême valeur prend tout son sens.
               
                IV) Comment il acquit les qualités d'érudition : que Tsongkhapa était pleinement qualifié dans les sciences des soutras et du mantra, voilà qui sera reconnu au contact de sa parole.
               
                V) Comment il acquit les qualités de discipline : jamais les chutes et fautes secondaires, grossières autant que subtiles, relatives aux règles et limites des trois formes d'éthique ne le souillèrent.
               
                VI) Comment il acquit les qualités de bonté : pleinement maîtrisé par le renoncement, la grande compassion et l'esprit d'éveil, assuré dans la sagesse qui pénètre tous les modes des connaissables et la vue qui comprend la vacuité, en cela consiste sa bonté.
               
                VII) Comment il acquit les qualités d'accomplissement : "accomplissement" signifie obtention en le continuum de l'esprit d'excellentes réalisations manifestes, les ordinaires et l'extraordinaire. Celui qui en est le réalisateur est la personne dotée de ce continuum. Les accomplissements apparaissent aux yeux d'autrui sous l'aspect des connaissances supérieures. L'exhibition de divers pouvoirs de manifestation et le contrôle à volonté des manifestations sont des signes indicateurs d'accomplissements. Le Seigneur était riche de celui qui importe le plus, la réalisation intérieure des trois entraînements.
Ce maître d'une telle bienveillance, après avoir oeuvré au bien des élèves fortunés de cette terre, afin de discipliner ceux qui saisissent une permanence montra le passage au-delà des peines en 1419 – année terre sanglier -, à Drok Riwoché, au monastère Ganden Nampar Gyalwai Ling, au sein d'une abondance de signes prodigieux. Son corps demeura intact jusque dans les années soixante du siècle passé.

                Ce court récit de la vie – la pleine libération – et des hauts faits du Vénérable Seigneur Tsongkhapa, écrit par Geshé Lobsang Thupten, n'est qu'une goutte infime extraite de ses diverses biographies.

                Que bien et vertu croissent !

Vénérable Guéshé Losang Thupten